De Blogueur du British Council

26 janvier 2022 - 10:07

Catherine Saracco et Olivier David
Catherine Saracco et Olivier David

Notre Directrice Education, Catherine Saracco (C.S.), s'est entretenue avec Olivier David (O.D.), Vice-Président du Conseil Régional de Bretagne en charge de la vie étudiante, de l’enseignement supérieur et de la recherche, sur les enjeux de l'internationalisation pour cette région déjà très dynamique au niveau des échanges. Ils ont également évoqué ensemble les contours de la "diplomatie celtique" à laquelle la Bretagne contribue activement. 

C.S. La région Bretagne est en cours d’élaboration du futur schéma régional de l’Enseignement Supérieur et de la recherche qui couvrira la période 2022-2027. Quels vont en être les axes structurants et comment articule-t-il et réévalue-t-il votre coopération avec le Royaume-Uni dans le contexte post-Brexit ?

O.D. En 2022, la Région Bretagne va en effet engager un travail de réflexion avec ses partenaires pour définir son futur schéma régional de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il sera étroitement articulé avec la stratégie de développement économique, d’innovation et d’internationalisation ainsi qu’avec le contrat de développement régional des formations et de l’orientation professionnelle.

Dans ce futur schéma, plusieurs objectifs visent à faire de la Bretagne une région visible et attractive en France, en Europe et dans le monde. Nous voulons poursuivre l’internationalisation de l’enseignement supérieur et de la recherche par le développement de partenariats stratégiques forts et formuler des stratégies internationales ambitieuses avec les acteurs académiques et scientifiques. Il conviendra simultanément d’ouvrir les horizons des jeunes Bretons par un encouragement à la mobilité sortante tout en renforçant l’attractivité du territoire régional auprès des étudiants et des chercheurs étrangers.

Cette perspective passera inévitablement par un renforcement des collaborations scientifiques internationales des établissements et des équipes de recherche, qui peuvent s’appuyer sur la création de nouveaux consortiums de recherche avec des partenaires européens et mondiaux, ainsi que sur la dynamique créée par l’initiative « universités européennes ». Si plusieurs établissements bretons participent déjà à deux alliances européennes (Sea-EU et EDUC), d’autres sont actuellement engagés dans la réponse au prochain appel à projets. Sur la base des premières alliances créées, cette perspective aura sans aucun doute un effet dynamisant sur l’internationalisation des acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Dans le contexte post-Brexit, il apparait très important de maintenir un niveau de relations académiques et partenariales élevé avec les établissements du Royaume-Uni. Ce n’est pas simple car la sortie des dispositifs européens apporte son lot de contraintes. Les universités et les écoles bretonnes ont déjà commencé à réfléchir à cette question, et ont soulevé plusieurs enjeux et questions à traiter en priorité : trouver un accord en matière de politique de droits d’inscription puisque nous ne pouvons plus prétendre au programme Erasmus+, repenser les dispositifs d’accompagnement de la mobilité internationale des étudiants et des personnels.

Nous pourrons profiter de cette réflexion pour explorer d’autres questions importantes, comme l’accès à des stages en entreprises à l’international qui constituent un véritable atout aujourd’hui dans le parcours et l’expérience des étudiants. La Région qui intervient en soutien aux mobilités internationales devra réfléchir à l’évolution de ses dispositifs d’accompagnement et c’est une question à débattre avec les partenaires dans la réflexion autour du futur schéma stratégique.

C.S. Les quatre universités de Bretagne (Rennes 1; Rennes 2; Université de Bretagne-Occidentale; Université de Bretagne-Sud) ont signé en août 2021 un Memorandum of Understanding (MoU) avec trois universités irlandaises (Cork ; Limerick ; Galway). Vous vous apprêtez à faire de même avec l’Ecosse et le Pays de Galles. En quoi ceci participe-t-il d’une « diplomatie celtique » et quels en sont les éléments distinctifs ?

O.D. La signature de ce MoU en 2021 a été un moment politique très important pour la Région Bretagne et les universités bretonnes, d’autant plus qu’elle s’est déroulée en présence des Ministres des affaires étrangères de la France et de la République d’Irlande. Pour le Conseil Régional de Bretagne, cet acte s’inscrit pleinement dans la volonté de renforcer la diplomatie celtique avec l’Irlande, l’Ecosse, le Pays-de-Galles et la Cornouaille Britannique. Il faudra réfléchir également à l’élargissement à la Galice espagnole.

Le concept de diplomatie celtique s’appuie sur une ambition simple, celle de renforcer tous les partenariats culturels, académiques, scientifiques entre nos différentes régions, en s’appuyant sur des éléments d’identités partagés de part et d’autre de la Manche. Les réalités géographiques, socio-culturelles et économiques de nos différentes régions mettent en évidence des formes de proximité qui invitent à réfléchir ensemble sur les défis posés par les transitions climatique, écologique, numérique, industrielle, citoyenne et sociale. Sans être exhaustif, plusieurs dossiers appellent à des convergences fortes et sont propices au développement de partenariats en formation et en recherche, comme par exemple les énergies marines renouvelables, l’économie maritime, les ports, l’agro-écologie, la santé, la cybersécurité, les langues régionales…

C’est dans cet esprit qu’a été conclu le MOU entre les universités bretonnes et irlandaises, avec pour ambition de développer les coopérations inter-établissements, autour de projets de recherche communs, de manifestations scientifiques communes (séminaires et conférences), autour d’échanges de personnel et d’étudiants, par la mise en place d’écoles thématiques mais aussi de double-diplômes. La signature de l’accord pose les principes de mise en œuvre du partenariat entre les établissements et la Région Bretagne, dans le cadre de sa stratégie d’internationale, étudiera les modalités de son accompagnement. Elle sera évidemment favorable à ce que ce type d’accords puisse s’étendre à d’autres régions celtiques.

C.S. Le nouveau schéma directeur de l’enseignement supérieur et de la recherche va de pair avec la «Smart Specialisation Strategy » dite S3, qui vise à développer les atouts du territoire pour en faire un pôle de compétitivité majeur en matière de R&D en Europe. Pourriez-vous nous dire quelles sont les grandes lignes de cette stratégie S3 ?

O.D. Dans ce contexte européen, et face à une crise sanitaire sans précédent, la Bretagne doit aujourd’hui s’adapter à l’accélération des transitions évoquées précédemment. La nouvelle stratégie, en appui sur les atouts du territoire et de ses acteurs, a pour vocation à développer des synergies dynamiques entre les acteurs de la formation, de la recherche, de l’innovation et du développement économique. La Bretagne doit être identifiée dans toute l’Europe comme une région partenaire de premier plan sur ses domaines d’excellence (mer, alimentation, numérique, etc.) et leader sur ses segments de pointe (énergies marines renouvelables, cybersécurité, photonique, etc.).  

La stratégie est construite autour de cinq domaines d’innovation stratégiques complémentaires :

  • Économie maritime pour une croissance bleue,
  • Économie numérique sécurisée et responsable,
  • Économie de la santé et du bien-être pour une meilleure qualité de vie,
  • Économie alimentaire du bien manger pour tous,
  • Économie de l’industrie pour une production intelligente.

Les dispositifs de soutien et de financement de l’innovation sous toutes ses formes visent très concrètement à accompagner les transitions numérique et industrielle, énergétique et écologique, sociales et citoyennes.

 
C.S. Le paysage universitaire et scientifique de la Région Bretagne se distingue par des Ecoles universitaires de recherche (« Graduate Schools ») particulièrement innovantes par leur thématique, ancrage territorial et ambition internationale ? Pouvez-vous les présenter rapidement ?
 

O.D. Dans le cadre du processus de spécialisation des sites universitaires, plusieurs établissements bretons ont en effet répondu à un appel à projets du Plan d’investissement d’avenir (PIA) pour déployer des Graduate Schools à la française. L’ambition de ce programme national est de renforcer l’attractivité internationale des sites universitaires, tant en formation qu’en recherche, autour de domaines scientifiques ciblés. Ces Écoles universitaires de recherche (EUR) regroupent les formations de master et de doctorat autour d’une ou plusieurs équipes de recherche de haut niveau. 

Lors des différentes vagues de l’appel à projets, les établissements bretons ont été lauréats sur quatre projets distincts, dont l’un est implanté sur le site brestois et trois sur le site rennais :

  • L’EUR ISblue, en sciences et technologies marines pour la planète bleue, implantée à Brest et s’appuyant sur un écosystème particulièrement dynamique et reconnu à l’échelle internationale. Elle regroupe 9 partenaires institutionnels et 25 unités de recherche.
  • L’EUR CyberSchool, implantée à Rennes, associe les mathématiques, les sciences et technologies numériques, les sciences humaines et sociales, autour des questions de cybersécurité. Au sein d’un système d’acteurs renommés en matière de sécurité numérique, l’EUR regroupe 13 partenaires institutionnels.
  • L’EUR Digisport, qui se situe à l’interface du sport et des technologies numériques, champ dans lequel se développe aujourd’hui de nouveaux métiers, regroupe des compétences en sciences du sport, du numérique, de l’électronique et des sciences humaines et sociales. Elle rassemble les forces de 25 unités de recherche différentes.
  • L’EUR CAPS (Creative Approaches to Public Space) vise à former les étudiants aux nouveaux métiers de l’accompagnement des actions dans et pour l’espace public autour de la création, mobilisant les domaines de recherche en arts, en sciences humaines et sociales, en langues et littérature. Implantée à Rennes également, elle compte 13 unités de recherche et 5 partenaires institutionnels.

Ces EUR participent, par leur spécialisation thématique et la notoriété des équipes pédagogiques et scientifiques impliquées, au développement de l’attractivité des sites universitaires bretons. Elles permettront de renforcer la dynamique d’internationalisation en attirant notamment des étudiants mais aussi des chercheurs étrangers.

Biographie

Diplômé de l’Université Rennes 2, titulaire d’une thèse de 3e cycle et d’une habilitation à diriger des recherches en Géographie, Olivier DAVID est, depuis le 2 juillet 2021, Vice-Président du Conseil Régional de Bretagne en charge de la vie étudiante, de l’enseignement supérieur et de la recherche. De 2015 à 2021, il a occupé les fonctions de Président de l’Université Rennes 2, après avoir exercé plusieurs responsabilités au sein de l’établissement : Directeur du Service universitaire d’enseignement à distance (2000-2005) et Directeur du laboratoire rennais de l’UMR CNRS « Espaces et Sociétés » (2008-2013). Ses thématiques de recherche portent sur les dynamiques démographiques, les inégalités socio-spatiales, les services à la population dans le champ de l’enfance et de la jeunesse et l’aménagement du territoire, les politiques éducatives et sociales.

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