L’académie de Créteil prend les devants pour munir ses jeunes de compétences pour le 21ème siècle. Nous savons tous qu’il est urgent d’agir pour le climat, et les jeunes de Créteil ne manquent pas de conviction. Avec le soutien de leurs enseignants qui forment une équipe pédagogique de choc, des élèves de 6 établissements du Val de Marne, de la Seine-et-Marne et la Seine-Saint-Denis relèvent un défi de taille. Irene Daumur, notre responsable de la coopération éducative, interroge Hèlène Delpont, en charge du projet Eco-Clubs à l'académie de Créteil, sur les tenants et aboutissants de ce projet d'envergure.
Irene Daumur : Le changement climatique et le développement durable sont à l’affiche cet automne avec la COP26 qui aura lieu à Glasgow. L’académie de Créteil mène un projet innovant dans ce domaine. Les élèves et leurs enseignants sont déjà dans les starting-blocks. Pouvez-vous nous expliquer la genèse de ce projet d’envergure ?
Hèlène Delpont : L’urgence climatique, ainsi que l’engagement fort de l’éducation nationale dans l’éducation au développement durable, nous ont permis de donner vie aux Eco Clubs. Les Eco Clubs émanent de la volonté d’inscrire le développement des compétences orales des élèves dans un travail interdisciplinaire. La réforme du baccalauréat et l’introduction de l’épreuve du Grand oral nous ont poussés à chercher comment aider les élèves à s’approprier un sujet, et à en comprendre les enjeux pour le défendre devant un public, en langue étrangère.
Le principe des Eco Clubs est de construire un projet de développement durable en anglais. L’objectif est de pouvoir présenter ce projet lors d’une journée-conférence sur le climat que nous organiserons à CentraleSupelec, qui est notre partenaire sur ce projet. Les binômes d’enseignants investis dans le projet seront ainsi accompagnés tout au long de l’année par des étudiants de CentraleSupelec. Ces derniers seront présents sur le terrain pour aider les élèves à mener à bien leurs expérimentations et à préparer la journée-conférence.
Le choix de travailler avec des étudiants de l’enseignement supérieur n’est pas anodin et fait partie intégrante du projet. Créer du lien entre la génération pré-baccalauréat et la génération post-baccalauréat permet de construire des passerelles, mais aussi de donner envie à nos élèves d’avoir de l’ambition quelle que soit leur origine sociale. Derrière ce projet, il y a donc aussi un engagement citoyen. Le British Council est notre partenaire culturel et linguistique pour ce projet. Il interviendra dans la formation des enseignants mais aussi dans le parcours des élèves.
Irene Daumur : Il est évident que l’engagement citoyen en faveur du climat concerne aussi les jeunes partout dans le monde. Mais il n’est pas donné à tous de savoir comment s’y prendre pour soutenir activement cette cause. Comment votre projet cherche-t-il à donner de l’élan à l’engagement de vos élèves ?
Hèlène Delpont : Nos élèves vont être invités à travailler avec des binômes d’enseignants : anglais /SVT, anglais/STL, anglais/ST2S, anglais/maths-physiques. L’anglais sera la langue de communication. L’objectif est de penser un projet de développement écoresponsable. Certains groupes travailleront, par exemple, sur la création d’un quartier écoresponsable et réfléchiront notamment au traitement de l’eau et à son recyclage. Mais notre but est que ces projets sortent du cadre de la classe. Les Eco Clubs vont ainsi travailler en partenariat, et certains d’entre eux mettront également en place une collaboration inter-établissements sur un même projet. C’est donc l’engagement collectif des élèves qui va être encouragé.
De plus, le choix de faire participer l’ensemble des Clubs à une rencontre inter-établissements viendra développer davantage encore l’idée d’un engagement commun. Les classes participant au projet seront invitées à une journée-conférence organisée à CentraleSupelec. Accueilli par l’étudiant qui les aura encadrés, chaque groupe présentera son projet devant un jury de scientifiques et devra convaincre le jury de l’importance de ce projet. Cette journée permettra aux élèves de s’engager de façon très concrète dans la défense d’un projet écocitoyen, en leur permettant de mettre en œuvre les compétences orales travaillées tout au long de l’année.
Irene Daumur : Débattre sur le changement climatique efficacement et avec conviction, surtout à l’oral, est un vrai défi. Quelles compétences les élèves doivent-ils acquérir pour bien y parvenir ? Comment les enseignants vont-ils les accompagner ?
Hèlène Delpont : L’arrivée du Grand oral dans les épreuves du baccalauréat impose à tous les enseignants de s’emparer de la question des compétences orales des élèves. Utiliser les techniques propres au débat et à l’éloquence pour aider les élèves à maîtriser le difficile exercice de la prise de parole argumentée, nous semble donc primordial.
Nous allons proposer plusieurs formations aux enseignants qui participent au projet. Certaines seront faites par le British Council, comme par exemple Critical Thinking and Problem Solving, qui sera dispensée en anglais à l’ensemble des enseignants de langues et de sciences, et qui leur proposera de développer des techniques d’analyse, de réflexion et d’action. Dans le même temps, toutes les classes concernées participeront à Science in Schools. Nous avions remarqué, il y a deux ans, que si les élèves se focalisaient essentiellement sur l’idée de communiquer sur un sujet qui leur tenait à cœur, alors la langue cessait d’être perçue comme une barrière. D’où la volonté de renouveler l’expérience, en proposant d’inscrire le travail dans la durée. Cette année, les ateliers de pratique scientifique seront complétés par une séquence de prise de parole Argue for Change, inspirée des échanges de la COP26.
Au sein de l’académie de Créteil, nous proposerons également aux enseignants une formation sur le débat, pour favoriser l’utilisation des techniques du débat en classe. Ainsi outillés, les enseignants pourront préparer les élèves à construire leur prise de parole, à entrer dans un débat contradictoire et, ce faisant, à développer leurs compétences orales, qu’il s’agisse de prise de parole en continue ou d’interaction. Mais le projet vise également un autre objectif: les élèves vont régulièrement se retrouver en position de médiateurs vis-à-vis des professeurs non linguistes, ce qui permettra une approche fort intéressante de l’exercice de l’oral. Concrètement, cela signifie qu’à un moment ou un autre du projet, tous les participants se retrouveront en position d’apprendre mais aussi d’enseigner, et par conséquent de développer des compétences, qu’elles soient techniques ou linguistiques. Toutes ces facettes du projet sont assez enthousiasmantes.
Irene Daumur : Le changement climatique impacte de manière inégale différentes villes, régions et zones géographiques dans le monde. Les élèves auront-ils la possibilité d’échanger avec des jeunes d’autres pays sur ce problème qui nous concerne tous?
Hèlène Delpont : C’est effectivement l’objectif. L’académie de Créteil a obtenu la labellisation Erasmus+, ce qui signifie que l’ouverture internationale des établissements s’en trouve facilitée. Dans un deuxième temps – et sous réserve que les Eco Clubs perdurent et se développent de la manière dont nous l’espérons – nous souhaiterions construire des partenariats avec des collèges et lycées en Allemagne, en Italie et dans d’autres pays. L’idée serait que le même type de projet soit mené dans les pays partenaires, afin que l’on puisse envisager une rencontre européenne de tous ces jeunes qui pourraient alors échanger en anglais sur des questions de développement durable. Les jeunes se révèlent finalement très sensibles à la question du changement climatique ; leur donner la parole, et surtout leur permettre d’exprimer cette parole, serait un signal fort.