De Camille Gontier

08 octobre 2015 - 10:51

Bus à Londres devant Westminster Abbey
Votre tentative de prendre en photo un simple bus en vitesse normale. ©

Thinkstock Collection (c)Mike in London

Camille Gontier, participant à notre concours FameLab France 2015, partage son expérience en tant qu’ingénieur dans le domaine du contrôle de l’orientation des satellites, et tente de répondre à cette question : « Comment prendre une photo nette en bougeant à 25.000 km/h ? »

Nous nous sommes tous déjà servis de Google Earth, ce logiciel permettant en quelques clics d’observer n’importe quel endroit de la Terre grâce à des photographies prises par des satellites. Très pratique pour espionner ses voisins depuis l’espace. L’imagerie spatiale a bien évolué depuis ses débuts dans les années cinquante : pour mémoire, le premier satellite espion lancé par les Américains, Corona, prenait ses photos sur des films argentiques, qu’il faisait ensuite rentrer dans l’atmosphère pour être attrapés en vol par un avion équipé d’un immense filet. Aujourd’hui, les satellites d’observation de la Terre transmettent en temps réel des images d’une résolution inférieure au mètre, tandis que les sondes et télescopes spatiaux observent des étoiles situées à plusieurs années-lumière de nous.

Or, un engin spatial, ça va vite, très vite. A titre d’exemple, voici de ce que vous verriez par le hublot d’un avion allant à la vitesse de New Horizons, la sonde lancée par la NASA vers Pluton (voir vidéo YouTube).

Les satellites d’observation qui tournent autour de la Terre, comme les Français SPOT ou Pleiades, vont à peine moins vite : environ 25.000 km/h. Comment prendre une photo nette dans ces conditions ?

En réalité, les satellites sont équipés de plusieurs systèmes leur permettant de tourner sur eux-mêmes pour suivre le mouvement de la Terre sous eux et compenser leur mouvement. En plus de leur rotation autour de la Terre, les satellites peuvent être contrôlés en rotation autour d’eux-mêmes ! Ce qui est en fait plus compliqué qu’il n’y paraît.

Supposons que vous êtes assis sur un fauteuil de bureau. Si vous souhaitez vous faire tourner sur vous-mêmes, rien de plus simple : il vous suffit de vous servir de vos pieds sur le sol. Mais les satellites, eux, se trouvent dans le vide spatial. Ils n’ont rien sur quoi s’appuyer : ni sol sous leurs pieds, ni atmosphère où nager. Les ingénieurs ont donc dû trouver d’autres moyens de contrôler l’orientation (que l’on appelle l’attitude) du satellite autour de ses axes. 

L’un des moyens les plus communément utilisés pour contrôler l’attitude d’un satellite et le stabiliser autour d’un axe est d’employer des roues à réactions. Ce sont de gros disques de plusieurs kilos, équipés d’un moteur les faisant tourner à plusieurs milliers de tour par minute, et que l’on place à l’intérieur du satellite.

Elles vont fonctionner sur le principe d’action-réaction : lorsqu’une roue placée sur un axe tournera dans un sens, le satellite tournera sur le même axe dans le sens opposé. 

Intuitivement, vous savez qu’il est impossible de faire bouger un objet sans exercer une force sur lui, à moins d’être un Jedi ou un personnage de Stephen King : il faut appuyer dessus, le pousser, le tirer, ou encore souffler dessus pour le mettre en mouvement. Lorsqu’aucune force ne vient s’appliquer sur un objet, on dit que sa quantité de mouvement (i.e. sa masse multipliée par sa vitesse) est constante. Rien ne vient le troubler ou modifier son état : c’est le principe de la première loi de Newton.

Ce principe, valable pour les déplacements, peut également s’appliquer aux rotations. Si un satellite est seul et isolé dans l’espace, aucune force ne vient le faire tourner sur lui-même. On dit alors que son moment angulaire (l’équivalent de la quantité de mouvement, mais pour les rotations, et qui dépend de la vitesse de rotation) est constant.

Le moment angulaire total du satellite est l’addition du moment angulaire de son armature métallique et des roues à réaction qui sont situées à l’intérieur. Lorsqu’elles changent leur vitesse de rotation, elles modifient également leur propre moment angulaire. Or, rappelons que l’addition du moment des roues et de celui de l’armature doit toujours rester constant : si le moment des roues change, celui de l’armature va changer dans le sens inverse, ce qui explique qu’une mise en rotation des roues fasse tourner l’ensemble du satellite. Il est possible de vérifier ce principe (appelé théorème du moment cinétique) par une expérience très simple présentée ici en vidéo.

La morale de cette explication est la suivante : ce n’est pas nous qui sommes de mauvais photographes, ce sont les satellites qui sont très perfectionnés et sont capables d’annuler un mouvement pour prendre une photo nette. A présent, vous savez ce qu’il vous reste à faire pour réussir de bonnes photographies en vacances…

BIographie de l'auteur

Camille Gontier participant à la compétition FameLab France 2015.

Camille Gontier

De nationalité franco-canadienne, Camille a intégré HEC en septembre 2011. Il poursuit ses études à l'École nationale supérieure de l'aéronautique et de l'espace (SUPAERO), à Toulouse, et prépare le master de recherche en sciences cognitives de l’Ecole Normale Supérieure (Ulm). Il s’intéresse aux questions relatives à la science et aux techniques, et se passionne également pour la musique. Il a récemment reçu son brevet de pilote.