Le Royaume-Uni est l’invité d’honneur de la 10e édition du Forum Entreprendre dans la Culture organisé par le ministère de la Culture avec le soutien du British Council France et de la campagne Audacious Kingdom par GREAT. La deuxième journée de cet événement réunissant les professionnels de la culture autour de tables rondes et de moments de convivialité s’est donc ouverte avec un échange visant à apporter un aperçu complet des industries créatives au Royaume-Uni et explorer comment elles surmontent les difficultés qu’elles rencontrent.
Réunissant Rehana Mughal, Directrice Creative Economy au British Council et modératrice de la table ronde, Andy Pratt, UNESCO Chair in Global Creative Economy, James Benett Directeur du CoSTAR National Lab, et Caroline Norbury, CEO de Creative UK, cette table ronde a permis aux professionnels français de mieux comprendre la diversité des acteurs culturels britanniques.
L’impact de la culture sur nos sociétés :
L’introduction donnée par Valérie Moroux, Sous-directrice des Affaires européennes et internationales au ministère de la Culture, et Theo Rycroft, Ambassadeur adjoint du Royaume-Uni en France, a soulevé l’importance de la culture dans nos sociétés. Theo Rycroft a notamment rappelé que les industries créatives participent à hauteur de plus de 120 milliards de livres à l’économie britannique chaque année et emploient plus de 3 millions de personnes au Royaume-Uni. Au-delà des aspects financiers, Theo Rycroft souhaitait rappeler que les industries créatives sont aussi « essentielles à notre vie sociale, notre vie culturelle et au bien-être de notre société » tout en soulignant l’importance de la culture comme créatrice de lien et de connexion en ces temps difficiles.
Rehana Mughal a appuyé ce constat en rappelant que l’impact de la culture va bien au-delà de l’aspect financier : « L’impact des industries créatives au Royaume-Uni est plus large que leur contribution à l’économie puisqu’elles participent à la régénération urbaine en revitalisant les quartiers, elles stimulent l’innovation dans d’autres secteurs grâce à des collaborations interdisciplinaires et elles améliorent la réputation du Royaume-Uni à l’échelle internationale. Les industries créatives favorisent aussi l’inclusion sociale en offrant des opportunités à des talents issus de la diversité ainsi qu’à travers les échanges culturels. »
Le British Council a notamment analysé l’impact concret de la culture grâce à son étude se penchant sur les conséquences de l’accueil de l’Eurovision 2023 à Liverpool au nom de l’Ukraine publiée en janvier 2024.
Industries créatives au Royaume-Uni : un secteur divers
« Le secteur des industries créatives britannique est fragmenté » a soulevé Caroline Norbury. La variété d’acteurs membres de Creative UK, une organisation sans but lucratif sans équivalent français, en est l’exemple parfait. Ses milliers de membres réunissent aussi bien des grands organismes comme la BBC ou encore Tik Tok, des organisations culturelles comme le National Theatre, des entreprises culturelles régionales mais aussi des petites entreprises culturelles.
Creative UK travaille en étroite collaboration avec ses membres pour démocratiser l’accès aux réseaux et ressources nécessaires pour se développer dans l’industrie. A travers son travail à l’échelle locale, l’organisation est en capacité de réunir les messages des différents acteurs et de se faire le porte-parole des industries créatives auprès du gouvernement britannique notamment.
Grâce au réseau de l’organisation dont elle est la directrice, Caroline Norbury a pu observer l’impact du Covid sur l’industrie : « la moitié du secteur s’en est très bien sorti, tous les acteurs qui avaient déjà une présence en ligne ou qui ont vite fait la transition ont très bien fonctionné. Cependant, toute entreprise créative qui dépendait de la fréquentation en personne a vécu une expérience complètement opposée : les théâtres, la musique, les événements en direct, etc. ont vraiment connu de grandes difficultés. »
Andy Pratt a surenchéri en parlant de polycrises (Brexit, Covid, austérité) ayant secoué coup sur coup ce secteur déjà fragilisé et a mis en lumière l’étude conduite par le Creative Impact Research Center Europe, dont il est aussi un conseiller, sur l’impact de ces crises à répétition sur le secteur. L’étude a aussi mis en avant la fragilité de l’écosystème qui soutient la culture britannique : « l’écosystème est composé d’une variété de micro-entreprises ainsi que de grandes institutions et lorsqu’il subit un choc quel qu’il soit, certaines des connexions se perdent. »
Quel avenir pour les industries britanniques ?
Toutefois Caroline Norbury reste optimiste et soulève qu’une des forces des industries culturelles britanniques réside notamment en leur capacité d’adaptation développée grâce à leur esprit entrepreneurial qu’elles ont dû adopter depuis toujours face à des investissements publics moins importants que ce qui peuvent être observés en France. Elle s’inquiète toutefois de voir des entreprises ayant fait l’effort de diversifier leurs sources de revenus d’être malgré tout en difficulté.
Si James Benett a aussi souligné que le gouvernement sous-investit dans le secteur culturel, il observe un changement de politique gouvernementale en la création du CoSTAR National Lab, centre national de recherche et développement des industries culturelles. Cette initiative a pour vocation d’encourager l’innovation dans le secteur en mettant à disposition des industries créatives les dernières technologies et en leur donnant accès aux dernières recherches universitaires.
« Au Royaume-Uni, nous avons un système dans lequel l’argent de la recherche est le premier à être investi et il attire ensuite les investissements privés. La réduction du risque lié à l’innovation est l’un des éléments clés de ce qui s’est passé au cours des cinq dernières années environ. » a expliqué James Benett.
Caroline Norbury observe aussi un cercle vertueux similaire puisqu’afin d’aider au développement du secteur, elle rappelle que Creative UK investit dans entre 500 et 1 000 entreprises culturelles chaque année. Ainsi, le fait que l’organisation ait investit de son argent a tendance à rassurer et attirer les investisseurs privés.
Les intervenants s’accordent pour dire qu’un autre enjeu principal du secteur réside en l’attraction de nouveaux talents. Rehana Mughal en souligne l’importance et suggère que pour créer des vocations l’accès aux professionnels des industries créatives par les jeunes est essentielle afin de démocratiser ces métiers. Andy Pratt ajoute l’importance de l’éducation comme levier non seulement pour créer des vocations dans le domaine culturel mais aussi pour développer de nouvelles audiences en démocratisant l’accès à la culture.
Il souligne aussi l’importance de créer un cadre d'échange de connaissances entre différentes formes d'art, différentes activités culturelles et également à travers l'ensemble des corps de métiers liés au système de production. Selon lui, la notion de diversité est primordiale au développement du secteur que ce soit au sein des plus de 3 millions de personnes qui sont employées par les industries créatives, comme dans la géographie des pôles culturels ou encore dans la diversification des formes artistiques : « Si vous voulez que le secteur grandisse, vous avez besoin de diversité. »