De Florence Grewling

30 juillet 2014 - 16:02

Dessin de Matthieu Fayette, l’un des acteurs de « L’un de nous »
Dessin de Matthieu Fayette, l’un des acteurs de « L’un de nous » ©

Matthieu Fayette

En mai, le théâtre de l’Avant-Scène à Colombes a présenté le spectacle de l’artiste plasticien et metteur en scène britannique Gary Stevens, résultat d’un travail collectif mené pendant plusieurs semaines en résidence à Colombes avec des acteurs professionnels et des volontaires (première partie).

Florence Grewling est l’une des participantes de cette aventure et elle nous livre ici ses réflexions sur le sujet choisi par Gary Stevens et les révélations que lui a apporté cette expérience.

Dès le départ le sujet m’a interpellée. Je passe beaucoup de temps à observer les êtres humains et leurs comportements et, versée dans la psychologie et la philosophie, la mutation du comportement d’un individu au sein d’un groupe me fascine et me pose question.

L’analyse de Gary Stevens est d’une justesse à couper le souffle. L’enfant agit par imitation, de même que le petit animal. Il observe ses parents, ses proches et reproduit gestes et attitudes. Il acquiert petit à petit une autonomie. En crèche, puis à l’école, il va découvrir qu’il n’est pas seul et que l’autre existe. Il va très vite comprendre que pour ne pas rester seul, ne pas être exclu, il va devoir s’adapter aux autres et perdre un peu de sa singularité pour être accepté. A travers des comportements, des conventions vestimentaires, il va intégrer un groupe, une communauté. Ce n’est que plus tard, lorsqu’il aura construit sa propre personnalité, qu’il osera s’affirmer en tant qu’individu particulier et qu’il saura trouver un équilibre entre son identité et celle du groupe.

L’inévitable question que l’on se pose est : doit-on en rester au stade de l’enfance pour avoir sa place dans le monde ? Gary et sa perception de l’humain et de ses comportements nous interrogent sur des questions-clé. Quelle est la place d’un être humain et de sa singularité dans la société ? Faut-il rejoindre le troupeau pour être considéré comme être social ? Etre soi envers et contre tout n’est-ce pas se condamner à l’exclusion et à la solitude ? Doit-on craindre d’être différent et d’agir différemment des autres ?

Appartenir à un groupe n’est-ce pas prendre le risque de perdre son identité et son esprit critique ? Peut-on trouver le bonheur d’être en s’amputant d’une partie de soi pour n’être plus qu’un au milieu des autres ? Avec quelques mots, quelques expressions, Gary place l’individu au cœur du quotidien du monde. Sa création exprime une profonde humanité et un amour vrai pour les êtres imparfaits mais perfectibles que nous sommes.

« L’un de nous » est le miroir qui nous renvoie à ce que nous sommes et nous n’en sortons pas indemnes. L’émotion est forte et la réflexion profonde. Merci à Gary de cette belle leçon de philosophie existentielle. « L’un de nous » peut continuer à vivre éternellement. Cette création sera tout aussi reconnaissable par tous dans dix, vingt ou cent ans car l’Homme sera toujours un Homme.

Lisez le deuxième article de Florence Grewling : Faire du théâtre avec Gary Stevens.

Après une trentaine d’années au service de grands groupes, notamment Knoll International, Glaxo, Essec executive education, Kornferry International, Florence Grewling a quitté le monde de l’entreprise. Des événements majeurs l’ont amenée à reconsidérer l’orientation de sa vie personnelle et professionnelle et l’ont guidée vers une démarche de recherche de sens à ses engagements. Après un recentrage sur les valeurs humaines fondamentales, elle a décidé de s’attacher à faire connaître la philosophie au plus grand nombre, une philosophie humaniste et citoyenne. Elle mène depuis plusieurs mois une réflexion sur la création d’un espace pluriculturel inclusif offrant à tous l’accessibilité aux arts et à la philosophie avec une attention toute particulière aux personnes handicapées sensorielles, dans un souci d’éthique sociale et solidaire. La participation de Florence Grewling au projet de Gary Stevens ainsi qu’aux projets photo de Fausto Urru à Colombes lui permet à la fois d’exercer des activités qui la passionnent et d’analyser comment sa démarche philosophique peut s’insérer dans le cadre mouvant de la créativité.